L'Antarctique noir, un voyage à l'intérieur des terres par Adriana Lestido


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Nous avons certainement tous de l'Antarctique l'image du blanc pur, de la glace et du froid, mais Adriana Lestido va changer cet imaginaire avec la publication de Antártida Negra (Antarctique Noir) en 2017. Une œuvre qui interpelle non seulement pour ses images insolites et poétiques, mais aussi pour les réflexions et les questions profondes de son auteure dans un journal de voyage qu'elle a écrit pendant les jours de son périple. 

Antarctique Noir se compose de deux livres : l'un composé de photographies en noir et blanc et l'autre qui prend la forme d’un journal, avec des textes issus de son voyage en février et mars 2012. Le "côté B" du grand continent blanc.

Antarctique noir, d'Adriana lestido

Qui est Adriana Lestido ?

Adriana Lestido est une photographe argentine née à Buenos Aires en 1955. Enfant, elle était passionnée de cinéma et a trouvé son premier appareil photo dans un placard de la maison de ses parents. Jeune femme engagée, elle rejoint le groupe politique "Vanguardia Comunista" entre 1973 et 1976, alors qu'elle fait des études d'ingénieur, et c'est ainsi qu'elle rencontre Willy Moralli, qui allait devenir son mari et son compagnon de route jusqu'en 1978, date à laquelle il a disparu à cause du terrorisme d'État instauré par la dictature militaire qui sévit alors.

Peu après, Lestido entre à l'école d'art et des techniques audiovisuelles d'Avellaneda. Du fait qu’elle est une femme, ses débuts dans les médias d’alors sont loin d’être faciles. Cependant, après une photo devenue emblématique d’une mère et de sa fille sur la Plaza de Mayo, elle réussit à se faire une place dans les médias. Après avoir travaillé pour plusieurs journaux argentins de premier plan, elle se distingue par la suite pour son travail photo documentaire et devient la lauréate de plusieurs bourses et prix qui lui permettent de se faire un nom en Argentine et dans de nombreux pays du monde.

Mère et fille sur Plaza de Mayo

À la recherche du blanc absolu

Le projet Antarctique est né d'un besoin de recherche interne de nouvelles voies, le voyage s'est fait grâce à un appel à résidence d'artistes promu par l'Institut Antarctique d'Argentine de l'époque. 

"L'Antarctique est notre désert, un lieu de mort, avec très peu de vie. Je voulais aller dans un endroit comme celui-là, pour pouvoir re-signifier tout ce que j'avais fait dans ma carrière, pour pouvoir raconter une histoire de mes histoires", se souvient Lestido. Sa destination initiale est l'île Esperanza, dans une base argentine bien équipée, mais après quelques désagréments et le mauvais temps, elle se retrouve sur la base de l'île Decepcion.

Île Déception. Terre volcanique. La glace sur le feu. L'Antarctique noir

Cette base argentine, située sur une zone volcanique qui provoque la fonte rapide de la neige et la mise à nu des terres, donne un paysage noir et rocheux, où le seul blanc possible est celui du brouillard. L'idée initiale d'Adriana de rechercher le blanc absolu, confrontée à une réalité totalement différente de ce qu'elle avait imaginé, a dû ainsi être transformée en cours de voyage.

Un paysage de roches noires infinies, inhospitalier et mélancolique, avec des lions de mer, des paysages rocheux texturés, d'énormes os de baleine, des cheminées fumantes, d'étranges levers et couchers de soleil et le détroit où les océans Pacifique et Atlantique se rencontrent ont été la toile de fond d'une expérience transformatrice pleine de moments difficiles dus à l'inclémence du froid et de moments pleins de beauté. 

Antarctique noir, d'Adriana lestido
Antarctique noir, d'Adriana lestido

Une déception bievenue

Au début, c'était décevant, dit-elle, ajoutant que "c'est un endroit totalement imprévisible". Le ciel peut être bleu, clair, et puis tout peut être couvert et vous ne pouvez rien voir, même pas à dix mètres. Ceci, ajouté à la logistique militaire, la rend encore plus imprévisible. Cependant, c'est cette imprévisibilité qui en a fait un énorme apprentissage de la vie : que je veuille aller dans le blanc et que je me retrouve dans le noir, c'était génial ! Le changement est permanent et le défi consiste précisément à accepter ce changement permanent.", dit l’auteure.

Antarctique noir, d'Adriana lestido

Une confession émotionnelle et créative qui provoque et touche.

Le travail effectué sur Antártida negra est l'un des plus forts d'Adriana : c'est une confession qui interpelle chaque personne qui voit les photos ; la créativité émotionnelle à travers sa perception, et non à travers ce qu'elle voit. Une expression simple et directe mais profonde, avec une grande sensibilité présente dans chaque page et dans chacune de ses histoires, l'immensité à travers l'austérité du paysage antarctique.

"L'Antarctique a fonctionné pour moi comme un passage. Je l'ai compris avec le temps, cela mettait fin à toute une étape, et c'était le début d’un engagement sur de nouveaux chemins".

Une carrière photographique bien remplie

Depuis l'âge de 24 ans, Adriana Lestido se consacre à montrer la crudité et la sensibilité de la vie quotidienne à travers ses images. Son image "Mère et fille de la Plaza de Mayo" de 1982, a été prise une semaine après avoir rejoint le journal La Voz : "C'est l'image fondatrice de tout, c'est là que tout ce que j'ai développé depuis plus de 20 ans est né", et elle ajoute que "c'est beau : qu'il y ait plus de gens qui connaissent la photo que ceux qui me connaissent".

Son travail photographique a toujours été engagé dans la réalité sociale de son pays, dans les zones de plus grande exclusion sociale en Argentine, ce qui a donné lieu à des œuvres telles que "Mujeres Presas", "Hospital Infanto-juvenil" et "Madres adolescentes" où, à travers le regard spontané et sans préjugés de l'auteur, la réalité et la force des femmes ouvrent la voie. La solitude, l'amour et la douleur sont des thèmes essentiels que l'artiste dépeint à travers les histoires brutes qu'elle photographie. 

“Mujeres Presas” (Femmes en prison), un travail au long cours qui a fait de Lestido l’une des photographes les plus reconnues de sa génération.

Lestido a reçu plusieurs bourses : en 1991, elle a reçu la bourse Hasselblad, en 1995 la bourse Guggenheim - attribuée pour la première fois à la photographie en Argentine - en 1997 le prix Mother Jones et en 2009 le grand prix d'acquisition du Salon national de la photographie, elle a été nommée personnalité exceptionnelle de la culture par l'Assemblée législative de Buenos Aires, 2010 et en 2015 elle a reçu le prix pour l'ensemble de sa carrière, Radio nationale, Arts visuels, en plus des publications et des expositions dans le monde entier.

Elle a écrit les essais Antártida negra (2012), México (2010), El amor (1992-2005), Madres e hijas (1995/98), Mujeres presas (1991/93), Madres adolescentes (1988-90) et Hospital Infanto-Juvenil (1986-88).

Elle est l'auteur de sept livres : Mujeres presas, (2001), Madres e hijas, (2003), Interior (2010), La Obra, (2011), Lo Que Se Ve (anthologie), (2012), Antártida negra, et Antártida negra-Los diarios, (2017).

Elle fait partie de l'agence Vu (France) et est représentée par Rolf Art (Argentine) et Clair (Allemagne/France).

Sa carrière continue à prendre de nouvelles directions, toujours avec un grand déploiement artistique et une démonstration de la crudité de la nature et de l'humain. Adriana Lestido a montré avec subtilité la magie de la nature vivante, presque vierge, qui s'exprime en images, filtrées par le grain fin du regard d'une photographe sensible qui, par sa présence dans un lieu inhospitalier et désolé, nous parle non seulement d'un paysage mais aussi de l'humanité face à l'imprévu, l'intempestif et l'imposant de la nature la plus brute.


Jack Solle et Carolina Luna

Fondateurs de Préludes Photo, nous sommes férus de photographie de rue, de voyage et de paysage, et transmettons notre passion pour la narration visuelle à la croisée de nombreux chemins photographiques dans les formations que nous proposons en France et à l’étranger.


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