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Pourquoi votre style photo définit votre discours


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Ce qui suit est une transcription de la vidéo ci-dessus.

Pourquoi votre style photo définit votre discours ? C'est la question que nous allons explorer aujourd’hui. Par discours, je souhaite évoquer ici l’idée de discours visuel, autrement dit la façon de raconter ou d’affirmer des choses avec nos images. Nous savons que plus nous photographions et commençons à avoir un certain volume d'images ou lorsque notre pratique évolue et que le besoin ou l'opportunité de créer une série ou un projet photo apparaît, et plus la question du style se pose nécessairement. 

Alex Webb, un style photo incomparable.

Mais c’est quoi le style au juste ? Ce n’est en vérité ni plus ni moins que notre façon singulière et unique de photographier. L'importance de notre style photo réside dans la possibilité de créer des images à travers lesquelles nous exprimons à la fois notre personnalité et nos goûts, tout en accompagnant notre message. Notre style, c’est notre marque de fabrique. Et celui-ci est en partie lié à notre identité en tant que photographe et en partie à notre expressivité, à notre créativité. Définir ce style est un voyage introspectif qui dépend de nombreux facteurs. Notre style n'est pas quelque chose de figé, il peut évoluer au fil du temps et de nos expériences de vie et c'est pour cela qu'il est si personnel.

Le style au service du discours

Chez Préludes, nous croyons que tout comme le choix de notre matériel photo, le style se doit d’être au service de notre discours, et non l’inverse. Notre esthétique doit être en adéquation avec ce que nous voulons transmettre avec nos photos. Rappelez-vous que la photographie est un langage, et comme tout langage, nous devons en apprendre l’alphabet puis explorer ses subtilités, sa grammaire et sa syntaxe pour pouvoir exprimer pleinement notre vision et notre créativité à travers l'objectif.

Notre démarche photographique repose sur la conviction que chaque image que nous créons est une parcelle de notre propre narration, un fragment de notre langage visuel, façonné par notre vision artistique et notre compréhension profonde de la photographie. Pour cela, bien sûr, il y a des manières plus directes, d'autres plus poétiques, il y a des manières de le dire avec humour et d'autres plus dramatiques. C'est pourquoi il est important que chacun d’entre nous trouve sa propre "écriture photographique", singulière, personnelle.

Notre style répond à notre recherche esthétique. Il est de ce fait directement lié à notre personnalité d'une part, et aussi à notre capacité d'expression. Cela nous place dans une position active, c'est-à-dire que pour trouver mon style, je dois commencer par le chercher. Comment ? Eh bien, tout d'abord, en prenant des photos (ou plutôt, à l’image d’un Ansel Adams, en les faisant. Sur ce point précis je vous invite à jeter un œil sur la vidéo que nous avons récemment produite sur ce thème précis.

C'est en forgeant qu'on devient forgeron, n'est-ce pas ? C’est donc en photographiant qu’on devient photographe. La photographie est une manière unique de percevoir le monde, et son essence réside dans la pratique et le temps que nous investissons pour capturer des images fidèles à notre vision initiale. Cela implique non seulement d'affûter nos compétences techniques en entraînant notre œil et en aiguisant nos sens, mais aussi d'explorer différents genres pour trouver où nous nous sentons à l'aise et où notre créativité s'exprime le mieux. En relevant de nouveaux défis et en poussant les limites de notre exploration, nous découvrons notre propre langage photographique.

Est-ce que je veux montrer les paysages dans tous les endroits où je vais ou est-ce qu'il est plus stimulant pour moi de photographier la rue et ses scènes quotidiennes ? Est-ce que je suis intéressé par les histoires des êtres humains ou est-ce que c'est seulement quand je regarde les lignes et les textures que je sens que je peux être plus créatif ? Ce sont juste quelques questions lancées en l'air, a priori assez simples, qui vont nous permettre d’en révéler d’autres à leur tour, plus précises, qui vous permettront de réfléchir à votre pratique et de trouver ce qui vous passionne vraiment.

Plus la réponse sera authentique, et plus vous serez proches de la définition de votre style, de votre manière unique de photographier, parce qu'il y aura quelque chose de vous qui ne pourra être reproduit.

L’identité visuelle

Évoquer des noms comme Alex Webb, Raymond Depardon, Vivian Maier ou Daido Moriyama nous conduit instantanément à reconnaître leur empreinte distinctive dans leurs images.

Leur style unique se manifeste à travers des éléments tels que la palette de couleurs, la composition et les sujets photographiés ou les thèmes abordés. Et chez ces auteurs ou d'autres, nous trouvons l'une des clés pour pouvoir définir notre style.

Vivian Maier

Daido Moriyama

Nous allons également parler de pratique dans un moment. Pourtant ce serait une erreur de penser que c'est seulement grâce à la pratique que nous nous améliorerons. Tout ce que nous faisons lorsque nous ne prenons pas de photos compte également aussi. Cela s'applique à voir des images, mais aussi à y penser, à les imaginer, à les visualiser.

Au-delà du talent de celles et ceux que nous citons, il y a aussi un autre facteur que nous avons tendance à oublier (mais qui n'est pas moins important), à savoir leurs influences artistiques. Oui ! Tous nos grands référents ont aussi été influencés par d'autres artistes qu'ils admiraient, dont ils se sont inspirés pour construire leur propre voix, leur propre style. La création artistique est ainsi rarement le fruit d'une pure originalité, mais plutôt le résultat d'une interaction complexe avec les idées, les styles et les œuvres des autres.

Regarder des photographies fait partie de notre processus d'apprentissage en tant que photographes, il peut s'agir du travail de grands photographes de référence, mais aussi de photographes que nous trouvons sur le web et en qui nous voyons quelque chose que nous aimerions être capables de faire à notre tour. Cela vaut également pour la peinture, le cinéma et la littérature, qui sont de grandes sources d'inspiration et où résident de nombreux éléments de composition applicables à la photographie, tels que l'utilisation des lignes et des couleurs, la perspective, etc. En soi, tous les arts contribuent à nourrir notre imaginaire, car ils stimulent nos sens et nous invitent à réfléchir, tout en nous transmettant certaines émotions. Ainsi, plus nous consommons de l’art, et plus nous nourrissons notre regard de photographe.

La perception

Ainsi, lorsque nous affirmons que notre style est lié à notre capacité à nous exprimer par l'image, il est important de réfléchir à la manière dont nous allons montrer ces images. Il est ici question du choix du format, de l’arbitrage entre couleur et noir et blanc, mais aussi d’autres aspects formels de l’image comme la composition. Ces choix doivent être liés bien sûr à mes goûts mais aussi à l'aspect émotionnel des images, c'est-à-dire l'émotion que je souhaite transmettre avec mes photographies. Les images ne sont pas innocentes, elles ont une intention. C'est pourquoi chacun des photographes que nous avons mentionnés précédemment suscite des réactions différentes chez les spectateurs, et ce parce que leur intention photographique est différente.

Quelle est ma véritable intention en tant que photographe ? Quel message je désire véhiculer à travers mes images ? Quelles émotions ou expériences je souhaite susciter chez ceux qui les contemplent ? Voici quelques-unes des questions qui méritent réflexion.

Durant l'exposition des participants au mentorat de Préludes

Examinons maintenant quelques cas particuliers et regardons de plus près comment nos choix esthétiques influencent notre discours narratif. Voici, à titre d'exemple, quelques photos que nous avons prises lors d’un voyage au Maroc l’année dernière et que nous avons retouchées de différentes manières. Pour faire au plus simple, nous avons décidé cette fois-ci de nous limiter à deux retouches distinctes, la première en couleur, la seconde en noir et blanc, qui offre chacune une interprétation différente de la scène capturée.

Prenons la première image, celle du Port d'Essaouira au lever du jour. La version en couleur, avec ses tons doux et chaleureux, capture l'atmosphère paisible et l'activité matinale des pêcheurs. Les nuances de lumière et les couleurs des vêtements des personnages soulignent l'harmonie de l'instant présent.

En revanche, la version en noir et blanc crée une ambiance plus intemporelle et dramatique. Les contrastes prononcés entre les ombres et les lumières mettent en relief les détails architecturaux du port, le regard du personnage faisant face caméra dans le coin inférieur droit, mais aussi les silhouettes des pêcheurs formant comme des ombres chinoises contre le mur principal.

La seconde image a également été prise à Essaouira, mais cette fois-ci au détour d’une rue dans la médina. Le bleu et le blanc caractéristiques de la ville imprègnent chaque partie de l’image, tandis que la présence solitaire de la femme vêtue de bleu accentue cette palette chromatique, faisant de la couleur un élément central de la narration.

La retouche en noir et blanc, quant à elle, accentue les contrastes et les textures, offrant une vision plus abstraite et contemplative de la scène. 

Enfin, la troisième image, prise dans une rue de Marrakech. La version en couleur capture les teintes ocre d’un mur d’enceinte évoquant la couleur particulière de l’argile de Marrakech. Les vêtements de la femme vêtue de pastel, très élégante, ajoutent des éléments de contexte culturel à la composition. L’image tend à représenter une certaine vision a priori proche du réel.

En noir et blanc, l'image prend une tout autre dimension. Les contrastes entre les ombres et les lumières mettent en valeur les formes et les textures, créant une atmosphère plus introspective et énigmatique. Les marques et les traces du grand mur se dévoilent davantage et celui-ci devient un élément de discontinuité marquant. Enfin, l'ombre de la jeune femme, évoque lui un double fantomatique.

Dans chaque cas, notre choix esthétique influence non seulement la façon dont nous percevons la scène, mais aussi le récit narratif qui en découle. Que ce soit en couleur ou en noir et blanc, chaque retouche offre une expérience visuelle unique, révélant différentes facettes de la réalité et invitant le spectateur à explorer la profondeur de l'image.

Narration visuelle en série

Cela vaut pour les photos individuelles, mais aussi pour les images dans leur ensemble, et c'est pourquoi le style est important lorsqu'il s'agit de raconter une histoire. Pour construire une série ou pour éditer certaines photos afin de créer un ensemble d'œuvres d'auteur, il est primordial de définir un certain style. Dans une série, cela devient indispensable pour apporter à cet ensemble d'images ce que toute série doit avoir, à savoir la cohérence et l'harmonie. Ce sont les deux caractéristiques principales qui feront de notre série d'images un tout et qui, en même temps, la distingueront des autres.

En effet, pouvoir maintenir le même style tout au long d'une série, voire tout au long de notre travail, c'est ce qui nous permettra d'obtenir des images qui seront inévitablement reconnaissables comme étant les nôtres, c'est ce qui nous permettra de construire ce "cachet" qui représente notre style. Prenons pour illustrer cette idée deux exemples de petites séries aux styles très différents.

La première série a été réalisée en 2019, alors que je résidais à Buenos Aires, en Argentine. J'ai entrepris cette petite série photo inspiré par la vie urbaine grouillante de la ville. Au cœur de cette métropole tentaculaire, les oiseaux, en particulier les pigeons, étaient omniprésents. À l’époque, je passais beaucoup de temps dans les transports ou sur mon vélo à arpenter les rues de la ville. Mon quotidien était celui d’un parfait citadin au rythme effréné et les oiseaux étaient un sujet à portée de main.

Possédant à l’époque un gros reflex Pentax que j’utilisais lors de mes reportages photo ou mes couvertures de manifestations, je n’avais pas encore de boîtier réellement pensé pour la rue, adapté à la spontanéité et la compacité que requiert ce genre-là. J'ai donc opté pour la simplicité et la discrétion de mon téléphone, un Motorola je crois. Inspiré par des maîtres de la photographie que j’étudiais à l’époque, j'ai exploré le potentiel esthétique du noir et blanc.

Avec un format vertical 16/9 et un grand-angle sans zoom, j'ai recherché pendant plusieurs semaines à dessein les jeux de lignes et les contrastes propres au noir et blanc pour donner vie à cette petite série. Le choix de mettre en avant dans plusieurs clichés les silhouettes des oiseaux a je crois accentué l'atmosphère mélancolique de l’ensemble, en résonance avec la réputation de Buenos Aires en tant que "capitale mondiale de la mélancolie".

Bien que cette série soit assez mineure au regard d’autres travaux que j’ai pu réalisés, elle a été pour moi une occasion de développer mes compétences en narration visuelle en photographie de rue et de mieux comprendre le lien entre style photographique et expression artistique.

La seconde série a elle été réalisée très différemment, en une vingtaine de minutes seulement, début 2020, un après-midi de l’été austral, quelques semaines avant le début de la pandémie du COVID. Celle-ci a été beaucoup plus spontanée, sans réelle préméditation. Également réalisée avec mon smartphone de l’époque, elle se veut un registre davantage documentaire et frontal d’une réalité qui est celle de la pollution visible des rives du Rio de la Plata, le gigantesque estuaire qui baigne le port de Buenos Aires.

Le choix de la couleur, la répétition du point de vue, la lumière forte du soleil venant taper sur les déchets sans artifice particulier, voici quelques-uns des éléments qui ressortent d'une série qui capture de manière brute et directe, parfois à la limite d’une évidence troublante, car devenu courant, l'impact de l'activité humaine sur l'environnement.

Les détritus s'accumulent le long des berges, les plastiques flottant à la surface de l'eau, les déchets échoués sur le sable, tout est saisi sans filtre ni embellissement, cherchant à témoigner de la réalité crue de la pollution.

Construire son propre style

Cela nous montre qu'en fonction de ce que nous voulons dire, nous pouvons adapter notre façon de montrer nos images pour renforcer ce message et que notre style n'est pas quelque chose de figé, mais qu'il peut évoluer avec le temps et les projets. Beaucoup de grands maîtres de la couleur ont commencé par la photographie en noir et blanc et d'autres ont même changé de genre, passant du photojournalisme à la photo documentaire ou à la photographie de mode. C'est ce qu'il y a de merveilleux dans la photographie : elle peut s'adapter à l'évolution de notre vision du monde.

En conclusion, comme nous l'avons vu, plus notre style est défini, c'est-à-dire plus notre façon de photographier est claire et distincte, mieux nous pourrons communiquer avec nos images. Il n'y a pas de formule magique, l'essentiel est de pouvoir pratiquer et de connaître le mieux possible les outils dont je dispose, à savoir mon appareil photo et ma créativité. Et si vous ne savez pas par où commencer, commencez par jeter un œil à nos autres vidéos Youtube ou à prendre part à l’une de nos formations photos en ligne ou sur le terrain, je suis sûr qu’elles pourront beaucoup vous apporter. En attendant de vous retrouver pour une prochaine vidéo, je vous dis à bientôt !



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