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Pèlerinage Gitan, une chronique photographique


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Chaque année au mois de mai, le rythme tranquille des Saintes-Maries-de-la-Mer est interrompu par un flux incessant de caravanes venues de toute la France et de l'Europe. Des milliers de gitans se rassemblent pour honorer Sainte Sara pendant deux jours de pure ferveur et de dévotion. Mais cette fois-ci, nous avons décidé d'aller vivre de l'intérieur le pèlerinage des gitans. Munis de notre matériel photographique, nous sommes partis sans trop nous renseigner pour une aventure photographique dont nous nous souviendrons sans doute pendant de nombreuses années.

Découverte des lieux

Ce jour-là, Notre-Dame-de-la-Mer a ouvert ses portes tôt le matin. Malgré la faible lumière présente dans cette église fortifiée, nous pouvons photographier l'arrivée des pèlerins sans trop de difficultés. Une file d'attente commence à se former à midi et traverse le centre de l'église vers l'intérieur et disparait devant une petite porte menant au sous-sol. Sans hésiter, appareil photo en main, nous passons derrière la dernière personne pour découvrir quelle force mystérieuse attire tout ce beau monde.

Un homme avec un chapelet autour des poignets joint les mains, ferme les yeux et prononce des mots que nous ne pouvons pas entendre tandis qu'une femme aide ses deux enfants à allumer l'une des centaines de bougies qui illuminent le petit espace où les personnes dans la file d'attente arrivent à leur destination. Nous nous séparons de la file d'attente pour documenter ces quelques instants baignés dans une lumière teintée de rouge qui nous offre quelques contre-jours bienvenus et demande quelques ajustements dans notre balance des blancs. L'air d'en bas nous frappe comme une vague chaude et humide, mais en arrière-plan, nous pouvons enfin distinguer le visage de la statue de Sainte Sara, brillant tels ses bijoux.



Une histoire de ferveur

A l'extérieur de la crypte, l'heure de la messe est imminente, et les places libres pour s'asseoir se sont évaporées. Se déplacer tient parfois de la prouesse et demande une certaine organisation pour savoir où se placer et obtenir une bonne vision de tout ce qui se passe, pas une mince affaire. Le prêtre prononce ses premiers mots et nous transporte soudain dans un univers de foi, où chacun écoute attentivement l'histoire de Marie Jacobé, Marie Salomé et sa servante Sara qui, après avoir été expulsées de Palestine et persécutées, sont arrivées sur ces côtes. C'est Sara qui est devenue la patronne des gitans, vénérée comme nulle autre. Il est temps de mettre en lumière cette foi guidant ces pèlerins. Les gestes du prêtre, le décor imposant et surtout les visages des fidèles sont à l'honneur.

L'un des moments les plus importants à l'intérieur de l'église fortifiée : la descente des reliques. Les centaines de personnes restées à l'extérieur, les privilégiés des premiers rangs et les prêtres qui célèbrent la messe, dans un mouvement collectif et organisé, dirigent désormais leur regard vers le même endroit, une petite ouverture en haut de laquelle ils descendent avec précaution les coffres dans lesquels sont censés être conservés les vestiges des Saintes disparues.

La proximité avec ces personnages et l'immobilité qui doit être maintenue pendant la messe constituent un moment privilégié pour réaliser des portraits et s'arrêter sur chaque détail. Les mains levées montrent des bagues, des croix et des bracelets en or, symboles d'une communauté unie par des dénominateurs communs et en même temps diverse. Les bougies et les téléphones s’allument au cri de “Vive Sainte Sara !” et la ferveur gitane prend de l’ampleur.

La statue de Sainte Sara, la vierge noire, se trouve déjà à l'extérieur de la crypte et est maintenant entourée de l'amour de ses fidèles. Tantôt on aperçoit son visage, tantôt on la perd parmi les nombreuses mains qui tentent de la toucher. Sortir de l'église est un exploit incompréhensible quand tout le monde à l’extérieur fait le chemin inverse.

Le contraste entre ce monde extérieur et l'intérieur de l'église, tel la sortie d'un tunnel, est aveuglant, et lorsque les yeux s'habituent enfin à la lumière du jour, ils découvrent une marée humaine qui s'agite, prête à entamer sa procession. C'est le moment idéal pour ajuster les réglages de l'appareil photo afin de faire face à la lumière zénithale de l’après-midi, qui se traduit ce jour-là par un ciel blanc non désiré en raison d'une couche de nuages.

Un retour à la mer

Sara, enfin parmi ses fidèles, est portée par un cortège de robes fleuries, de torses tatoués, de curieux, de musiciens et de danseurs de flamenco qui dansent. Les gardians à cheval ouvrent la marche, dominent la scène et la foule peut enfin rencontrer sa sainte patronne, parfois en larmes ou avec un enfant sur une estrade, embrassant son chapelet, implorant le ciel de la main. Tous nos sens, aiguisés, sont en éveil, et essaient de composer des scènes au milieu du chaos. La diversité des situations et le mouvement incessant de la procession nous obligent à être le plus réactif possible.

Le point culminant de cette folle journée se profile enfin. La mer, prête à accueillir un peuple et sa mère. Les vagues frappent les chevaux agités et, sans préambule, une multitude de personnes se jettent à l'eau dans une explosion visuelle de roses s’envolant dans les airs. Le manteau blanc de Sara la distingue de tous ceux qui l'entourent, éclaboussée par les vagues qui ne parviennent pas à réfuter ses porteurs qui la conduisent sur leurs épaules, au milieu des chœurs qui continuer de crier à l'unisson : "Vive Sainte Sara". Nous sommes aussi dans l'eau, essayant de protéger notre matériel photographique de façon improvisée mais sans jamais cesser de photographier ce spectacle impressionnant. C'est notre façon d'être là, et parce que nos appareils nous raconteront probablement une histoire quelque peu différente une fois rentrés, nous pouvons désormais sans trop réfléchir, nous laisser emporter par la ferveur gitane.

Le pèlerinage gitan est un événement religieux et culturel qui permet de découvrir une facette bien particulière de la richesse culturelle de la Camargue et de ses habitants. Toujours motivés par le désir de connaître et comprendre le monde qui nous entoure grâce à la photographie, nous nous sommes sur place pour saisir une part de vérité de cet évènement unique en son genre.

Pourquoi cet événement attire-t-il autant de monde, qu'est-ce qui fait de Sainte Sara et des Saintes Maries des vierges si vénérées, à quoi ressemble le pèlerinage gitan ? C’est cette approche documentaire qui nous a motivé à créer le stage photo Ferveur Gitane, expérience photographique unique qui vous permettra, entre théorie et pratique, de photographier le pèlerinage et d’apprendre à raconter une histoire forte en images.


Jack Solle et Carolina Luna sont les fondateurs de Préludes Photo. Férus de photographie de rue, de voyage et de paysage, ils transmettent leur passion pour la narration visuelle à la croisée de nombreux chemins photographiques dans les formations qu’ils proposent en France et à l’étranger.


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