Photographier Marrakech, au-delà de la surface
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Ce qui suit est une transcription de la vidéo ci-dessus.
Comment capturer des images expressives et captivantes ? Mes clichés sont-ils suffisamment bons ? Comment rendre mes compositions plus dynamiques ?
Après Istanbul il y a quelques semaines, nous nous rendons aujourd’hui à Marrakech, au Maroc, pour tenter de répondre à ces questions et explorer notre démarche photographique à travers le spectre du terrain, dans cette section que nous avons nommée "Travailler la scène".
L’idée est de partager avec vous certaines idées et concepts que nous avons été amenés à développer chez Préludes, à travers notre pratique dans différents lieux, et qui nous pensons peuvent vous aider à améliorer certaines compétences et attitudes, à l’heure de photographier la rue.
La médina
La médina est essentiellement le cœur de la ville de Marrakech et c'est sans aucun doute l'un des endroits à privilégier pour la pratique de la photographie de rue. Pendant la journée, la lumière est particulièrement belle, douce, presque soyeuse par endroit, et si nous savons attendre le moment opportun, les jeux de lumière et d'ombres nous permettent de réaliser des compositions dynamiques en jouant avec ces éléments.
Le petit inconvénient majeur de la photographie au Maroc en général est que les gens sont très réservés quant à leur image dans l'espace public, ce qui signifie que nous pouvons souvent être confrontés au refus de prendre une photo à certains moments ou endroits spécifiques. Ou bien au contraire se retrouver face à des personnes qui réagissent différemment une fois qu’elles ont senti la présence de l’appareil, nous faisant perdre le charme du naturel et de la spontanéité que nous aimerions capturer. Cependant, Marrakech est une ville en constante agitation, assez touristique, ce qui nous permet paradoxalement de prendre des photos sans trop de difficultés, bien que nous devions toujours faire preuve de discrétion pour obtenir des images sortant de l’ordinaire. C'est pourquoi le matériel que nous choisissons est important. Plus notre appareil photo et nos objectifs sont volumineux, plus nous serons visibles et remarqués. Dans notre cas, nous voyageons avec notre Fujifilm et des objectifs 23mm (équivalent 35mm pour du plein format), ce qui nous permet de capturer des scènes relativement proches de nos sujets sans incommoder les autres.
Dans la vidéo d'aujourd'hui, nous allons vous montrer une grande partie de notre processus de prise de vue dans les rues de Marrakech et de ses environs. Travailler la scène à Marrakech, au milieu de tout ce chaos, consiste souvent à savoir attendre et trouver ces espaces qui ont un certain potentiel visuel pour que les scènes se déroulent pendant notre temps d’observation. C'est ce que nous appelons communément la technique du pêcheur. Savoir attendre compte autant que savoir se déplacer. Cela demande beaucoup d'observation et de patience. Par exemple, nous voyons ici quelques-unes des séquences d'images que nous avons créées jusqu'à obtenir la photo désirée.
En composition, nous disons souvent que trois valent mieux que deux. Comme dans ce cas où une tension, une triangulation se crée entre ces trois sujets, nous invitant à parcourir l'image, notre œil circulant fluidement.
Cet exercice, qui est un acte inconscient et rapide au moment de la prise de vue, vient en réalité d'un exercice préalable conscient où nous observons des images, les analysons, étudions les lignes et nous obsédons un peu à les rechercher. Tout cela fait qu'à un moment donné, nous n'avons plus besoin d'y penser et que notre intuition et notre œil nous guident vers elles.
La couleur joue également un rôle essentiel à Marrakech. Les murs, les vendeurs, les boutiques et les habitants offrent à chaque coin de rue la possibilité de créer des images en jouant avec la couleur comme élément central. L'ocre prédomine dans la médina, surnommée "la ville rouge" en raison de ses bâtiments et de ses remparts en argile battue, érigés durant la période almohade. Cette teinte crée une harmonie avec la lumière qui se reflète sur les édifices, offrant un spectacle visuel très agréable.
Pendant la nuit, les stands de nourriture, les spectacles de rue et les vendeurs ambulants nous offrent une toute autre palette de lumière à exploiter. Particulièrement sur la place Jemaa el-Fna, dépourvue de lampadaires, où toute la luminosité provient d'une multitude de restaurants improvisés concentrés en son centre, créant ainsi des contrastes saisissants entre les lumières éclatantes des stands et l'obscurité environnante. C'est pourquoi nous avons choisi d'explorer la notion de mouvement en jouant avec la vitesse.
En utilisant des vitesses lentes, nous parvenons à créer des effets de "flou" sur les passants, qui se dessinent alors comme de véritables silhouettes, contrastant avec la lumière captivante émanant des stands. Cette approche nous permet de saisir certains gestes et d'injecter un dynamisme particulier à nos scènes de rue, tout en mettant en avant l'aspect effervescent et envoûtant de la vie nocturne à Marrakech ainsi que de son animation incessante.
Au-delà de la surface
Avec sa culture riche, ses couleurs éclatantes, ses habitants généreux, ses paysages à couper le souffle et ses petites ruelles où l'on se perdrait volontiers, le Maroc a énormément à offrir.
Il est vrai que chaque endroit que l’on visite est souvent entouré d'une sorte d'image préconçue, que ce soit à travers des photos ou des films que l’on a pu voir. On se fait une idée visuelle de ces lieux sans même y avoir mis les pieds. Mais en tant que créateurs d'images, on sait bien que ce que nous voyons ne représente qu'une partie infime de la réalité.
Les images que nous consommons d'un endroit sont souvent filtrées à travers une perspective touristique, loin de la véritable essence que l'on peut découvrir dans le travail d'un photographe avec une vision bien à lui, autrement dit à la démarche autorale. Ce que nous essayons de dire par là, c'est qu'il faut éviter de tomber dans les clichés. Il convient de développer son propre regard, en évitant une approche superficielle des lieux que l'on visite. Pour cela, on souhaite partager avec vous aujourd'hui cette idée-là de regarder au-delà de la surface.
L’idée d’aller au-delà des clichés évidents dans notre approche photographique façonne notre manière de voyager et de découvrir de nouveaux lieux. Bien que le cœur de la médina offre une expérience inégalée de sons et de spectacles de rue, nous avons décidé de chercher ailleurs pour capturer une vision différente. Parmi les nombreuses options, nous avons une préférence : les marchés, connus sous le nom de souks au Maroc, en particulier les souks ruraux. Chaque fois que possible, nous nous rendons sans hésitation dans les marchés locaux, où que ce soit. Dans la campagne marocaine, ce sont des lieux qui regorgent de situations, d'éléments et de couleurs offrant un aperçu authentique de la vie quotidienne, bien loin des centres touristiques où les visiteurs se retrouvent souvent entre eux, loin des locaux.
Le souk de Tamesloth s'est révélé être une expérience des plus enrichissantes pour nous. Bien sûr, photographier dans de tels environnements et composer avec la scène présente ses défis, mais cela en vaut amplement la peine. À Marrakech et dans sa région, la moto est un mode de transport privilégié par les habitants. C'est pourquoi nous avons décidé d'emprunter un gros scooter à notre tour. La liberté offerte par ce moyen de locomotion nous a permis de percevoir le paysage d'une toute autre manière.
Nous sommes conscients que nos photos ne capturent pas simplement un lieu, mais aussi notre perception personnelle et les émotions qui en découlent. "Tamesloht... c'est le véritable Marrakech", nous a confié un local, et nous avons embrassé cette opportunité sans la moindre hésitation.
Pour se déplacer à l’intérieur des souks, la discrétion est importante, mais ce qui l'est encore plus, c'est de pouvoir interagir avec les gens. Les marchés au Maroc ne sont pas seulement des lieux de commerce, ils sont aussi des espaces importants au sein des communautés les plus éloignées des villes. Les habitants de nombreux villages éloignés de tout service viennent s'approvisionner, souvent pour plusieurs jours et l'on peut facilement prendre le petit déjeuner, ou se faire couper la barbe, ce qui en fait aussi des lieux de sociabilisation essentiels.
L'une des premières clés est d'engager une conversation avec les gens. Bien que beaucoup refusent d'être photographiés, de nombreuses autres personnes sont disposées à le faire. Saluer, sourire et demander l’autorisation de prendre des photos nous ont permis de réaliser plusieurs portraits des commerçants.
Quelque chose d'important, comme nous l'avons mentionné à plusieurs reprises, est d'être discret, et ici notre équipement photographique joue un certain rôle. Dans notre cas, travailler avec des appareils photo et des objectifs fixes de petite taille nous a permis de nous approcher sans avoir un effet intrusif sur les personnes photographiées.
Le temps que nous consacrons à explorer un lieu spécifique joue également un rôle crucial. Se donner le temps de parcourir un endroit sans forcément prendre de photos, mais avec son appareil photo prêt, permet de véritablement s’immerger dans l'ambiance. Nous, on aime bien engager la conversation avec les vendeurs, même si la langue n'est pas toujours facile. C'est là que l’on se rend compte que quelques mots dans la langue locale peuvent vraiment faire la différence. C'est comme ça qu'on se fond peu à peu dans le décor, en vivant pleinement l’instant présent. D’une certaine manière, on s'intègre à cette fameuse scène que nous cherchons à travailler. Ensuite, pour capturer des instants spontanés, il nous arrive de laisser de côté le viseur, ce qui nous permet d'être plus discrets et de saisir des moments authentiques. Cette approche dépend naturellement de notre matériel photo, mais les écrans mobiles sont précieux à cet égard. Ici comme ailleurs, la patience est souvent de mise, tout comme le choix de positions stratégiques le long des allées principales des souks, où le flux incessant de passants nous permet de nous fondre dans la foule et de capturer des scènes sans trop attirer l'attention.
Après avoir dégusté un délicieux thé à la menthe accompagné de quelques dattes, nous sommes remontés sur le scooter en direction du désert d'Agafay. C'est à ce moment que je dois présenter mes excuses à notre loueur. J'espère sincèrement qu’il ne tombera pas sur cette vidéo, mais bon, je pense qu'on court peu de risques, haha. Car je dois vous faire une confidence, un scooter n'est pas exactement le choix de transport … idéal.. pour un désert de pierres, encore moins sans carte ni GPS... Mais revenons à nos moutons.
Bien que notre escapade ait été de courte durée, nous ne pouvions pas passer à côté de l'occasion de visiter cet endroit et d'admirer sa grandeur et sa beauté. Aux portes de Marrakech, ce désert de pierres nous a surpris et nous a fait oublier pour un moment l’ambiance intense des souks et de la ville ocre. C'était une pause bienvenue, une parenthèse entre les clichés animés des rues, offrant une perspective différente avec ses vastes étendues et son calme impressionnant. On a tellement apprécié l’expérience qu’on a décidé d’inclure une nuit en camp nomade au milieu du désert dans le prochain voyage photo que nous organisons au Maroc.
Privilégier l’humain
Chaque lieu que nous découvrons est imprégné d'éléments essentiels tels que le territoire et la culture, d’une manière d’être singulière, d’un tempérament unique, c’est ce que l’on appelle l’idiosyncrasie. Durant notre périple au Maroc, Carolina et moi avons constaté qu'au moment de déclencher nos appareils, même sans exprimer explicitement l'intention de photographier une personne précise mais plutôt l'ensemble de l'espace, de nombreux passants préféraient se retirer ou simplement refusaient, parfois verbalement ou gestuellement. Cette réaction a suscité chez nous une vraie réflexion.
Il est probable que cela découle de la culture locale, où les individus attachent une grande importance à la préservation de leurs coutumes ainsi qu'à leur image et à leur intimité, même dans des lieux publics, adoptant une attitude différente de celle observée disons, dans les pays occidentaux. Cette réserve témoigne d'une vision particulière du territoire et des interactions sociales, soulignant le contraste saisissant avec la profonde générosité d'un peuple désireux de protéger son identité et de ne pas être photographié constamment sans son consentement, particulièrement dans le contexte d’une croissance rapide du tourisme ces dernières années.
Comment aborder la pratique de la photographie dans un tel environnement ? Comment établir un lien permettant de raconter une histoire à travers les images ? Bien sûr, il est toujours possible de simuler l'observation de marchandises exposées ou d'attendre quelqu'un pour déclencher l'appareil. Ensuite, sans déplacer l'appareil de son corps et en utilisant la main qui repose naturellement dessus, prendre rapidement une série d'images.
Sans renier cette approche fondamentale de la photographie de rue dite "candide" que nous apprécions, il reste que comprendre le caractère d’un pays permet de développer une approche alternative étroitement liée à la manière d'être des habitants d'ici. Les Marocains sont en effet toujours prêts à vous offrir une tasse de thé à la menthe, à engager une conversation animée, à vous montrer leurs talents car très fiers de leur savoir-faire et leur savoir-vivre et bien sûr à négocier, encore et toujours. Appréhender cette dimension plus personnelle et intime nous a permis de mieux saisir leur culture et de rencontrer des individus uniques. Car c'est cela aussi, photographier et voyager.
Par ailleurs, les couleurs vives, les marchés animés, l'hospitalité chaleureuse des habitants, et même certains aspects de la vie quotidienne nous ont rappelé à Carolina et moi nos expériences passées en Amérique du Sud. Cette familiarité nous a procuré un sentiment de connexion profonde avec les Marocains malgré les différences culturelles marquées entre ces deux régions.
C'est ainsi qu'un matin, nous nous sommes laissés porter par le hasard, nous perdant dans les ruelles de la médina, jusqu'à arriver dans une galerie d'artisans du cuivre. Ils nous ont ouvert les portes de leurs ateliers et nous ont consacré du temps pour nous expliquer leur métier, exposant fièrement leurs réalisations. Cette approche nous a permis d'adopter un regard original, davantage documentaire, plus proche des habitants, loin de la fugacité et de la distance souvent associées à la photographie de rue instantanée.
Ici, après un moment de conversation, la timidité ou la réticence face à l'appareil photo s'évanouissent, nous permettant non seulement de capturer de nombreuses images intéressantes, mais aussi de nouer de nouvelles relations et de vivre une expérience mémorable dans la merveilleuse et tumultueuse ville de Marrakech.
Conclusion
C'est tout pour aujourd'hui, les amis. Si vous avez apprécié cette vidéo, sachez que nous avons encore plein d'histoires passionnantes à partager sur le Maroc. La prochaine étape nous mènera notamment vers un autre lieu d'une beauté exceptionnelle, très différent de Marrakech mais tout aussi fascinant : la belle Essaouira et ses environs ! Alors, si vous êtes amateurs de ce genre de contenu, n'oubliez pas de vous abonner à notre chaîne pour ne rien manquer de nos futures aventures. Nous sommes impatients de lire vos commentaires, et n'oubliez pas de partager, car c'est ce qui nous permettra de continuer à créer des vidéos comme celles-ci. Merci d'avoir regardé et à très bientôt !