Le photographe de la vallée de Viñales, Guillermo Seijo
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Nous avons l’immense plaisir de vous présenter aujourd’hui Guillermo Seijo, photographe cubain vivant à Viñales, et qui nous accompagnera dorénavant durant nos voyages photo à Cuba, partageant avec les participants toutes ses connaissances et son expérience de Viñales aux côtés des producteurs de tabac et des habitants de cette vallée iconique et luxuriante.
Nichée au cœur d'une superbe région aux mystérieux reliefs montagneux appelés mogotes, la Vallée de Viñales surprend d'emblée. Située dans la province de Pinar del Río, la plus occidentale de ses provinces, à trois heures de La Havane, cette vallée est à mille lieues de l'agitation urbaine de la capitale. Autour du village du même nom, les habitants vivent du travail de la terre, au rythme des saisons. Le vert envahit tout dans cette vallée classée au patrimoine mondial de l'UNESCO pour son paysage exceptionnel.
Le tabac est l'un des produits les plus représentatifs de l'économie cubaine, la matière première qui permet d'élaborer les meilleurs habanos du monde. Il est cultivé principalement dans la province de Pinar del Río, un travail minutieux réalisé par les paysans que l'on appelle ici guajiros, dont certains que nous aurons le plaisir de rencontrer et de photographier avec Guillermo.
Préludes Photo (P.P.) : Bonjour Guillermo, peux-tu te présenter à notre communauté ?
Guillermo Seijo (G.S.) : Mon nom est Guillermo Seijo Junior, hérité de mon défunt père qui est décédé il y a 45 ans. Cette mort a eu et a toujours un poids énorme dans ma vie. J'ai 54 ans, je suis né à Viñales en 1968, où je vis encore aujourd'hui. Ma mère est Alida Nodarse Millo, 83 ans, survivante d'une attaque cérébrale il y a 13 ans, qui appartient aux mythiques Millos de Viñales, personnages légendaires de cette zone intra-montagnarde éternellement verte. L'autre partie de mon héritage est la mémoire de ma mère. J’ai été vétérinaire à la fin des années 80, une profession que j'ai exercée pendant 6 ans dans un Viñales aujourd’hui disparu et oublié dont plus personne ne se souvient.
P.P. : Comment et quand as-tu commencé à prendre des photos ?
G.S. : J'ai commencé à prendre des photos vers 1987, j'ai eu un amour platonique qui m'a appris à apprécier la poésie cubaine et internationale... de cette période, je me souviens de Rafael Alcides, Silvio Rodriguez, Abilo Estévez, el indio Naborí, José Martí… toujours Martí et bien d'autres. À cette époque, il y avait le magazine Unión, créé pour diffuser des œuvres littéraires de Cuba et du monde entier des années 1960 à nos jours. N'oubliez pas qu'il y a 30 ans, les œuvres d'un auteur lauréat du prix Nobel comme José Saramago coûtaient 90 centimes. À cette époque, le livre que j'ai acheté s'intitulait Relevé de terre et racontait les événements de l'horrible dictature de Salazar, une période semi-féodale au Portugal.
Et c'est ainsi que je suis entré dans le monde de la photographie, venant d'un univers littéraire. Je voulais arrêter le temps. J'ai commencé par travailler avec d’autres photographes, leur demandant de photographier “pour moi”, comme quelqu'un qui crée une scène, quelque chose ressemblant à la démarche d’un réalisateur de cinéma, une idée que je retrouverais des années plus tard en lisant Le temps scellé de Andreï Tarkovski, que je ne connaissais pas à l'époque. Mon premier appareil photo était un Kiev, une copie exacte d'un appareil allemand. Plus tard, j'ai acheté une Zenith (de fabrication soviétique) pour environ 200 pesos cubains - un mois de salaire dans les années 80 - avec un objectif de 58 mm d'un appareil photo Jupiter, une légende de la photographie argentine. À l'époque, je cherchais l’objectif Carl Zeiss Jena, de l'ancienne République Démocratique Allemande (RDA).
P.P. : Comment s'est déroulée ta formation en photographie ?
G.S. : J’ai d’abord été autodidacte et avec le temps, j'ai rencontré ici, dans la mystique vallée de Viñales, des gens comme Lee Frost (photographe et réalisateur américain), Ernesto Bazan (photographe italien de l'agence Magnum), mon mentor pour toujours, et des amis comme Juan Miguel Alba Molina (photographe espagnol) et Cosmin Bumbutz (photographe roumain et auteur du livre “Cuba continua”) qui ont eu une grande influence sur moi.
P.P. : Quel a été ton parcours photographique ?
G.S. : Dans mon enfance, il n'y avait pas d'univers visuel ou quelque chose comme ça. J'ai eu un étrange parcours dans la photographie. Pendant plus de 20 ans, j'ai été un photographe inconnu et invisible dans cette ville.
J'ai par la suite été reconnu dans le cadre du concours Alfredo Sarabia In Memoriam, qui tire son nom d’un photographe méconnu, qui était ou devrait être notre “Cartier-Bresson” à nous, mais l'oubli fait malheureusement partie de la culture cubaine.
P.P. : Parle-nous de ton travail photographique actuel et de ce que nous allons faire durant notre voyage photo ensemble.
G.S. : Actuellement, je me consacre à la réalisation de voyages photo dans la région - qui, au début, se faisaient à pied - grâce à mon ami Luis Alarcón qui m'a contacté pour explorer Viñales et évaluer le potentiel de l'endroit. À cause de cet énorme "elfe espagnol" ahah, j'ai décidé de me lancer à mon tour.
Ce qui m'intéresse le plus, c'est le reportage, sans négliger le monde commercial, disons, ce qui n'est pas toujours le cas dans tous les endroits. En ce moment, je suis en train de construire un reportage sur ce terrible ouragan qui a touché la région il y a quelques mois.
En tant que photographe, je ne sais toujours pas qui je suis, je laisse cette décision aux autres, après tout, l'altérité existe.
P.P. : Chez Préludes, nous estimons que les meilleurs accompagnants sont ceux qui habitent un territoire. C’est dans ce sens que nous avons travaillé avec toi sur une proposition de voyage photo. Parle-nous un peu du temps que nous allons passer ensemble à Viñales.
G.S. : Je ne suis pas un guide touristique avec un appareil photo en bandoulière - je suis passionné par la photographie, l'éclairage, l'enseignement et la culture cubaine. Dans cette excursion, les principaux sujets seront les suivants : Comment utiliser l'appareil photo de manière simple pour se concentrer sur la vie agricole et oublier les technicités de l'appareil, découvrir des rues à l'écart du tourisme, visiter des endroits particuliers, visites de maisons familiales, marchés, architecture, vues panoramiques de la vallée, etc.... Nous rendrons ainsi visite à des familles de fermiers accueillantes et découvrirons leur vie. Cela permettra aux participants de profiter de la campagne cubaine et des meilleurs endroits pour photographier avec la meilleure lumière. Une expérience authentique, hors des sentiers battus ! Nous réaliserons des portraits au lever du soleil des fermiers qui travaillent dans les champs, puis une fois le soleil haut dans le ciel, et la lumière devenue trop dure, nous photographierons au coeur des maisons et ferons des portraits des fermiers, toujours de manière respectueuse. Ce sera une journée très enrichissante où nous aurons l’occasion de visiter les fermes de tabac et les cultures.