Istanbul, la ville parfaite pour maîtriser la photographie de rue
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Ce qui suit est une transcription de la vidéo ci-dessus.
Souvent, lorsque nous voyons une image d'un photographe qui nous captive, nous nous demandons comment il a réussi à prendre cette photo. Comment se fait-il que chaque élément de cette photo semble être parfaitement synchronisé avec l'autre ? Ou que les couleurs se complètent de cette façon ? Qu'est-ce qui rend cette image unique ? Qu'est-ce qui la rend si captivante ?
Travailler la scène
La réponse se trouve souvent dans l’idée que nous voulons partager aujourd'hui avec vous, à savoir celle de travailler la scène, qui est la traduction de l'expression anglo-saxonne “work the scene”. Car cette magie qui semble opérer dans certaines photographies n'est rien d'autre que la capacité du photographe à saisir l'instant, après avoir étudié la lumière et compris le potentiel de la scène, justement, qu'il a sous les yeux. La photographie, c'est avant tout un art de l’observation comme disait le grand Elliott Erwitt. C’est regarder de suffisamment près pour voir ce que les autres ne voient pas. En soi, ce n'est pas de la magie, mais du dévouement et de la pratique.
Photographier, c'est bouger, c'est la possibilité de vivre et de connaître le monde à travers notre objectif et c'est surtout partir à la recherche de ces images qui nous attendent et qui nous motivent à sortir. C'est pourquoi l'une des règles de tout photographe de rue, comme le dit très justement Alex Webb, référence de la discipline, est de marcher, d'attendre, de regarder, peut-être de parler, etc. Mais nous savons aussi que, surtout dans les grandes villes, nous sommes constamment confrontés à des situations qui ne se répètent pas et qui peuvent se produire très rapidement, nous laissant dans un état permanent de frustration de ne pas avoir agi à temps.
Travailler la scène nous invite à développer notre patience et notre sens de l'observation, deux qualités essentielles influencées par le temps et le choix du point de vue. Lorsque nous découvrons un lieu qui attire notre attention, que ce soit par son activité, son potentiel photographique ou des éléments spécifiques qui nous captivent, comme la lumière, une personne intrigante ou un arrière-plan saisissant, c'est là que débute le véritable travail de composition. Cela nécessite de prendre le temps nécessaire, d'explorer différents angles de vue, et d'attendre le moment opportun où chaque élément de la scène entre en jeu. C'est dans cette attente active que se façonne l'instant parfait, où tous les éléments se conjuguent harmonieusement pour créer une image captivante.
À partir de cette idée, nous évitons, surtout lorsque nous sommes débutants, de nous perdre dans le nombre infini de situations que nous rencontrons et pour lesquelles, plus d'une fois, nous ne sommes pas préparés. Il est intéressant de pouvoir trouver un équilibre entre se laisser aller là où notre intuition nous emmène et avoir la capacité de détecter quand une rue, un croisement, un espace quelconque, a le potentiel qui mérite que je reste pour voir comment la lumière se comporte et attendre que quelque chose ou quelqu'un passe. Cela doit nous permettre de réfléchir, avant même de photographier, au cadrage, à la composition et à la lumière. Travailler la scène, c'est entraîner notre réactivité d'une certaine manière, ce n'est pas seulement capturer les instants mais aussi être capable d'adapter nos paramètres et de réfléchir à notre composition.
Quand vous arrivez à Istanbul, l'immensité de la ville frappe immédiatement. Les immeubles témoignent de la croissance rapide de la ville de ces dernières décennies. La découverte du Bosphore, reliant la mer Noire à la mer de Marmara, révèle une géographie unique, celle d’une ville située à la jonction de l'Europe et de l'Asie. Le Bosphore et ses ferries deviennent rapidement une attraction incontournable, offrant une expérience unique et plaisante de navigation à travers cette cité singulière. Un territoire idéal pour les photographes de rue, qui offre des tableaux singuliers à chaque coin de rue, propices à des compositions dynamiques. Mais Istanbul, c'est également ses habitants, imprégnés de leurs coutumes et inscrits dans le rythme incessant d'une grande métropole, conférant à cette ville une essence unique. Le défi majeur réside dans la capture de son atmosphère et de son tempo, au travers de ses rituels quotidiens et de sa fascinante diversité. Ces caractéristiques spécifiques d'Istanbul constituent à la fois le terreau fertile pour se perdre dans l'effervescence et le flot humain, et l'opportunité de photographier sans contraintes majeures.
Attendre, être patient
Le premier thème que j’aimerais aborder aujourd’hui est celui de l'attente, ou plutôt de la patience, qui joue ici un rôle fondamental. Plus que de conseils techniques, il s'agit d’une manière de faire, de concevoir l'espace dans lequel nous nous trouvons et de réfléchir à notre pratique. Donnons-nous à chaque scène, à chaque lieu ou à chaque moment le temps nécessaire pour que quelque chose se produise ? Ou bien traversons-nous les lieux en prétendant ne nous arrêter que si le moment magique apparaît ? L'attente et la patience sont des vertus précieuses à cultiver. Dans l'acte de photographier, le simple fait de décider du moment opportun pour déclencher est crucial. Mais tout aussi essentielle est la réflexion sur notre sujet et notre approche photographique. C'est cette réflexion qui contribue à améliorer la qualité de nos clichés, en nous permettant de capturer l'instant avec une intention et une sensibilité accrues. C'est à ce stade de notre pratique que l'attente devient un temps précieux pour réfléchir, ajuster les paramètres, appréhender la lumière et déterminer la meilleure position pour obtenir une composition optimale.
Bien sûr, cela dépendra un peu de l'instance photographique dans laquelle vous vous trouvez, car il est vrai que mieux vous connaissez votre appareil et ses réglages, plus vous pourrez laisser libre cours à la création sans trop de réflexion. Mais au-delà de la technique, il s'agit plutôt d'une "attitude" à adopter en photographie de rue.
La photographie est une question d'observation. Travailler sur l'attente et votre patience vous permettra également de vous connecter avec le lieu dans lequel vous vous trouvez, de prendre le temps d'observer ce qui vous entoure et de sentir comment le lieu vit, de voir comment les gens interagissent, de comprendre la culture un peu plus, puisque c'est finalement cette connexion avec le lieu qui sera transmise. N’oubliez pas que chacun d’entre nous photographie un lieu non pas tel qu’il est, mais tel qu’il le voit.
La distance, se rapprocher
Un autre aspect important est la distance. À Istanbul, les gens ne sont pas si réticents à se faire photographier, probablement parce qu'il s'agit d'une grande métropole, ce qui donne l'avantage de pouvoir s’en approcher assez facilement. Bien sûr, il existe des exceptions comme partout ailleurs, notamment dans certains quartiers loin du circuit touristique, là où vous trouverez exclusivement des locaux. Dans l'ensemble, je trouve Istanbul assez propice à la photo de rue, après ça dépend des expériences. De mon côté en une semaine passé sur place je n’ai jamais eu de réel souci. J’ai réalisé d’intenses sessions de shooting et j’ai dû essuyer deux ou trois non catégoriques, ce qui est relativement peu étant donné le nombre d’images que j’ai capturées à moins de deux mètres de mes sujets.
Dans les lieux un peu compliqués à photographier on peut notamment évoquer certains quartiers assez conservateurs ou bien encore les mosquées. Celles-ci, toute plus magnifiques les unes que les autres, valent le coup d’œil pour leur valeur architecturale bien sûr, mais également pour la spiritualité qui s’en dégage. Il faut donc pouvoir s’approcher avec tact de certains sujets en train de prier notamment. Car comme disait le grand Robert Capa : "si vos photos ne sont pas assez bonnes, c'est que vous n'êtes pas assez près". La distance qui vous sépare de vos sujets est très importante en street photographie, car l'une des caractéristiques qui donnera le plus d'impact à vos images dépend de votre degré d'immersion dans la scène, c'est-à-dire de la capacité des photos à donner au spectateur l'impression d'y être. Cet aspect est étroitement lié au type de matériel que nous choisissons d'utiliser.
Personnellement, j’utilise depuis quelques temps déjà deux boîtiers Fujifilm, un x100F qui présente une optique intégrée 23mm et un XT3 armé d’un 23mm ou d’un 56mm. Avec ces objectifs, tous fixes, j’ai d’une part une bonne qualité d’image mais également la possibilité de faire rentrer pas mal de lumière dans mon boîtier, ce qui est super utile pour tous les moments de la journée ou de la nuit. Mais en plus de ces caractéristiques techniques, ce sont des appareils et des objectifs qui me permettent d'être très discret lorsque je photographie. Il est important de garder à l'esprit que plus notre matériel est imposant, plus nous attirons l'attention et plus notre "acte photographique" devient évident.
Enfin ces objectifs me permettent de travailler les scènes dans leur ensemble ou peuvent encore m’offrir de beaux portraits, avec une profondeur de champ minimale. À Istanbul, j’ai essentiellement utilisé le 23mm. Cependant, celui-ci m’a obligé à être relativement proche de mes sujets et surtout, a nécessité beaucoup de mouvements pour obtenir une variété de points de vue.
Enfin, la distance est quelque chose que nous devons aussi mesurer par rapport à nos sujets pour savoir à quel point nous pouvons nous approcher des gens ou de certaines situations et pour cela, il y a des habitudes très simples que nous mettons en pratique lorsque nous voyageons dans un nouvel endroit.
Bien qu'il soit important d'être discret et d'éviter d'intimider les gens comme mentionné précédemment, par exemple avec de gros objectifs, il est également important que les gens comprennent que nous sommes là pour prendre des photos et que nous ne représentons aucun risque, ce qui permettra aux gens d'en quelque sorte "accepter" notre présence sans nécessairement se sentir "espionnés". Souvent, une approche franche et directe signifie que nous serons rapidement oubliés ou que nous ne serons pas remarqués et que nous pourrons rester inaperçus pendant un certain temps. Cette approche peut consister à demander une autorisation, à interagir avec une personne pour discuter, ou encore à sourire, tout simplement. Mais avant tout, il est important de garder une attitude ouverte, d'être prédisposé à ce que, si notre présence est détectée ou si l'on nous demande quelque chose, nous puissions expliquer d'une manière agréable et honnête ce que nous faisons là.
La narration, raconter une histoire
Le dernier des aspects que je voulais aborder aujourd'hui a trait à la narration et à sa relation avec l'idée de travailler la scène. Le mot scène nous renvoie directement au monde du théâtre ou du cinéma, ce qui fait de nous en quelque sorte les metteurs en scène de ce grand théâtre qu'est le lieu que nous voulons représenter. Il ne s'agit en aucun cas de dire que nous devons mettre en scène une scène qui n'est pas réelle, mais de concevoir certains espaces ou certains moments en ces termes et de voir comment cela nous aide à enrichir notre narration visuelle, à transcender la technique pour nous concentrer sur les histoires que nous racontons, à faire en sorte que nos images aient certaines caractéristiques qui leur confèrent une plus grande force visuelle. Nous parlons ici de la profondeur et de l'émotion qui se dégagent de nos images, de ce qu'elles transmettent, en dehors de la perfection de supposées règles de composition que nous devrions suivre coûte que coûte.
Penser à la narration, c'est raconter quelque chose avec des images, c'est la possibilité de montrer notre vision particulière de ce que nous voyons. Parler de narration avec nos photos, c'est aussi proposer de penser non seulement à des images individuelles, mais également à un ensemble d'images. Si nous voulons passer à un niveau supérieur dans notre pratique photographique, cet exercice est très important. Penser à partir de la création pour élaborer une histoire avec un ensemble d'images nous aidera à les produire de manière cohérente et à penser aux connexions visuelles entre elles, aux éléments qui dialoguent les uns avec les autres et, en bref, à photographier avec une intention. C'est sans doute ce qui nous poussera, d'une certaine manière, à rechercher les images qui donneront corps à cet ensemble d'images et c'est ce qui, en fin de compte, rendra vos images plus intéressantes.
Conclusion
Voilà pour cette vidéo, mais il y en aura bientôt d'autres dans ce format, dans lesquelles nous raconterons un peu de nos expériences en photographiant d'autres destinations et en parlant de photographie. Nous attendons vos commentaires pour continuer à discuter et à réfléchir ensemble sur notre pratique. Et si vous êtes intéressés, vous pouvez trouver toutes les informations sur notre voyage photo à Istanbul ici-même. Merci d'avoir regardé et à la prochaine !