Apprendre avec #6 | Gustavo Minas
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Vous souhaitez ouvrir votre regard à des photographes moins connus que les grands maîtres de toujours ?Vous avez un penchant pour la couleur ? Gustavo Minas, photographe brésilien né en 1981, est un pur photographe de rue et un coloriste d’exception dont l’œuvre a beaucoup à nous apprendre. Reconnu pour sa capacité à capturer des instants fugaces avec une sensibilité poétique, nous avons décidé de mettre en valeur son travail aujourd’hui dans Apprendre avec, afin d’en tirer certaines leçons essentielles pour notre pratique de la photographie de rue.
1. CHERCHEZ LA LUMIÈRE
“De temps en temps, je suis un personnage intéressant ou m’arrête devant une scène sombre, mais 99% du temps, ce n'est que la lumière que je cherche.”
- Gustavo Minas
L'une des leçons les plus marquantes que nous pouvons apprendre de Gustavo Minas est son habileté à jouer avec la lumière et l'ombre pour créer des compositions visuellement saisissantes. Minas utilise habilement les contrastes lumineux pour donner de la profondeur et de la dimension à ses images, les élevant au-delà de la réalité ordinaire.
Lorsqu’on lui demande ce qui est le plus important pour lui, ou pourquoi son regard est attiré par une situation plutôt qu’une autre dans la rue, Minas en revient toujours à la lumière. Cela semble une évidence mais nous photographes ne sommes rien sans lumière.
À ce propos, le photographe affirme sans détour dans une interview : “La photographie est une fiction : Cette prise de conscience a été libératrice, car elle m'a permis de cesser de rechercher uniquement des moments intéressants dans les rues. J'ai compris que je pouvais transformer la réalité banale en quelque chose d'extraordinaire grâce à l'utilisation de la lumière, des ombres et des reflets”.
2. OUBLIEZ VOS SOUCIS
Pour Minas, la pratique de la photographie est un moyen de se libérer l'esprit et de se connecter avec le moment présent. Il capture tout ce qui attire son attention, laissant la street photography s'imposer naturellement comme une pratique méditative. « C’est un procédé très méditatif. J’essaye d’avoir l’esprit aussi vide que possible lorsque je photographie », explique-t-il. En se promenant avec un esprit vide, Minas découvre la joie de voir, et cette simplicité lui permet de capturer des moments authentiques et inspirants, notamment dans les rues de Brasilia qu’il a arpenté à de nombreuses reprises.
Lorsque vous êtes dans la rue, votre attention doit être totalement tournée vers ce que vous avez devant vos yeux. Il n’y a pas de place dans la photographie de rue pour la distraction. Notre pratique doit être à la limite de l’obsession, c’est le seul chemin possible pour obtenir des images qui sortent du lot.
3. JOUEZ AVEC TOUTE LA PALETTE
Les photographies de Gustavo Minas montrent un intérêt certain pour la puissance de la couleur. Né à Cássia, une petite ville de l'intérieur du Minas Gerais, c’est à São Paulo, lors d’une formation débutée en 2009 en compagnie de Carlos Moreira, un maître de la photographie brésilienne, que son regard sur la photographie s’est définitivement inscrit dans le champ coloriste. Son œuvre est depuis lors inspirée par des pointures de la discipline comme Constantine Manos, Alex Webb, Harry Gruyaert (il cite souvent le livre Lumières Blanches de ce dernier) ou encore le peintre Edward Hopper.
Pour même espérer atteindre ce niveau de résultat, il est évident que l'étude de la théorie des couleurs est incontournable. Plongez-vous sans hésiter dans ce thème inspirant qui ouvrira un champ des possibles immense. Enfin, ne négligez pas l'importance du processus de post-production, qui fait pleinement partie de votre art. En ajustant, par exemple, les hautes lumières et les ombres, ou en retouchant certaines couleurs localement, vous pouvez véritablement sublimer vos créations et parfaire votre vision.
Si vous souhaitez en savoir davantage sur la théorie des couleurs et la manière dont vous pouvez utiliser le principe d’harmonie pour rendre vos clichés plus percutants, jetez un œil à notre vidéo sur le sujet, on évoque brièvement le sujet dans notre vidéo tournée La Havane.
4. CHOISISSEZ BIEN VOTRE MATÉRIEL
Dans la photographie de rue, le regard compte plus que le matériel. Vous pouvez faire un travail solide même avec votre téléphone portable, tant que vous connaissez les limites du dispositif que vous avez et que vous en tirez le meilleur parti. Trouver l'appareil qui correspond le mieux à votre style et à votre vision peut grandement influencer votre travail. Comme Gustavo Minas, assez transparent sur le sujet, n’hésitez pas à explorer différents appareils et objectifs pour découvrir ce qui fonctionne le mieux pour vous.
Minas a commencé avec un Fujifilm X100 prêté par un ami, et il a été séduit par sa compacité et la qualité de ses fichiers. Plus tard, il est passé au X-Pro1 puis au X-Pro2, cherchant à améliorer ses capacités et à répondre à ses besoins spécifiques de photographe de rue.
Pour ces deux images, Minas a réglé la mise au point sur une zone d'environ 2 à 3 mètres, en gardant l'ouverture entre 5,6 et 8. Le léger retard de l'obturateur du X100 l'a aidé à être plus précis lors de la prise de vue, le poussant à choisir son "moment décisif" avec plus de discernement.
N'ayez pas peur de vous aventurer avec différents objectifs et configurations. Minas a utilisé un objectif 27mm pour une meilleure adaptabilité à Brasilia, où les sujets sont souvent à distance. Lorsqu'il a ressenti le besoin d'un changement, il est passé à un objectif zoom pour explorer de nouveaux détails et angles de vue.
L’objectif polyvalent 18-55mm s'est avéré très utile lorsqu’il qu'il commençait à expérimenter beaucoup avec les reflets. Il aime comment il aplatit la perspective, rassemblant des éléments qui peuvent être éloignés, l'aidant à créer des images plus complexes et superposées et des relations inhabituelles entre des éléments distincts, transformant la réalité en une fiction visuelle.
Que vous préfériez la compacité d'un appareil sans miroir ou la polyvalence d'un objectif zoom, l'essentiel est de choisir le matériel qui vous permettra de capturer vos idées et votre vision avec précision et créativité.
5. TRAVAILLEZ SUR LE LONG TERME
En passant plusieurs jours par semaine à capturer les nuances changeantes de la gare routière de Brasilia, Gustavo Minas a façonné un essai photographique d'une profondeur remarquable, donnant naissance à son premier livre photo : "Maximum Shadow, Minimum Light".
Comme l'a souligné Minas, ses débuts étaient marqués par des images descriptives. Toutefois, c’est avec le temps que ses photographies ont gagné en complexité, tant au niveau de leur structure que de leur composition, intégrant souvent plusieurs strates narratives parallèles.
Chez Préludes, nous défendons avec conviction l'idée de travailler sur des séries et des projets photographiques, une approche que nous transmettons à travers nos formations sur le terrain et notre mentorat en ligne annuel. Pour les passionnés de la photographie de rue, s'engager dans un projet à long terme peut être un défi de taille. Habitués à capturer l'instant fugace, nous pouvons parfois sous-estimer le potentiel narratif de nos images. Cependant, en réfléchissant de manière approfondie à notre pratique, nous pouvons découvrir de nouveaux aspects dans nos photographies et définir une structure solide pour un projet d'envergure.
BONUS : ANALYSE D’UNE IMAGE
Parmi les nombreuses œuvres de Gustavo Minas, certaines captent particulièrement l'attention par leur profondeur et leur poésie visuelle. Celle que nous avons sélectionnée semble incarner l'essence même de son regard complexe et riche en émotions. Issue de sa série "Limites", située dans sa ville natale de Cássia, dans la province de Minas Gerais, au cœur du Brésil, cette image semble banale au premier abord, mais révèle en réalité un spectacle spectaculaire de la vie quotidienne. Encore une fois, c'est la lumière qui guide le regard de Minas, transformant la réalité en un monde superposé et captivant.
La couleur joue un rôle prépondérant dans cette composition, véhiculant une palette d'émotions complexes. Le ciel, d'une splendeur éclatante, évoque à la fois la menace et la sérénité, créant une atmosphère énigmatique, ambigüe. Minas maîtrise habilement les contrastes entre les tons sombres et lumineux, utilisant des couleurs complémentaires pour apporter harmonie et équilibre à l'image.
D’autres contribuent à rendre cette image de rue unique. Tout d'abord, les deux personnages principaux, deux adolescents saisis avec une vitesse lente, apportent du mouvement et une atmosphère authentique à la scène, en parfait accord avec le décor. Bien que les deux se déplacent dans la même direction, leurs regards expriment des choses différentes. Celui de gauche, tourné vers nous, semble conscient de la présence du photographe et invite le spectateur à s'immerger émotionnellement dans la scène grâce au contact visuel. En revanche, celui de droite tourne le dos et semble s'éloigner de la scène, renforçant ainsi le mouvement vers la droite.
C’est pourtant lui qui attire l'attention principale grâce à son regard dirigé vers la gauche et son geste de la main pointant vers le ciel, mettant en évidence les ombres visibles sur le mur et amplifiant à la fois la tension et le mystère de l'image. De ces ombres l’on distingue deux personnes assises à une table d'extérieur, ainsi que le tronc d'un arbre qui évoque une statue. Leur taille disproportionnée ajoute une dimension de rêve et de fantaisie à la scène. L'ombre du personnage de gauche semble également dialoguer avec l'adolescent vêtu de blanc (regards similaires), créant ainsi une interaction visuelle intrigante. À gauche de l'image, un groupe de personnages vaquant à leurs occupations rappelle une chaude soirée d'été passée à l'extérieur d'une maison.
Enfin, les nombreuses lignes horizontales et diagonales qui traversent l'image de gauche à droite et inversement, comme les fils électriques, les murs et le trottoir, facilitent la lecture de l'image et ajoutent une structure visuelle harmonieuse.
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